Relais papillon
Notes de programme
Commande du Festival Montréal Nouvelles Musiques (MNM)
Le plus étonnant, dans le phénomène de la migration des papillons monarque, c’est que les individus qui migrent vers le Sud ne sont pas ceux-là qui ont accompli le voyage vers le Nord. En fait, au moins trois générations de papillons se seront succédé depuis la sortie de l’hibernation en février au Mexique, montant graduellement vers le Canada, jusqu’aux papillons de la quatrième génération qui, eux, quitteront le Nord vers la fin septembre. Cette dernière génération, qui vit beaucoup plus longtemps que les précédentes, va accomplir la migration de plusieurs milliers de kilomètres, hiverner et enfin engendrer la première génération du cycle annuel suivant.
La forme de Relais papillons est une reproduction, comprimée à l’échelle d’une dizaine de minutes, d’un cycle annuel comportant la succession de quatre générations de papillons. Chacune de ces générations est représentée par un couple d’individus, lui-même « représenté » par un couple d’instruments: 1ère et 3e générations : clarinette et violoncelle; 2e et 4e génération : flûte (ou piccolo) et violon.
Pour chaque génération se succèdent des caractères thématiques pouvant évoquer les stades de la vie de l’insecte : œuf, chenille, chrysalide, papillon; accouplement, ponte des œufs de la génération suivante et mort. Pour la quatrième génération s’interpole, avant l’accouplement, la longue parenthèse de la migration et de l’hibernation.
Une grande partie du matériau de ma pièce a été élaborée à partir de l’Étude opus 25 # 9 de Chopin, dite étude papillon, dont la courbe formelle me semblait se mouler à celle du cycle vital d’une génération de papillons. Et, métaphoriquement, l’idée me plaît assez qu’un donné « génético-culturel » européen serve de base à l’évocation d’une migration intra-américaine…
L’œuvre a été composée pour le groupe mexicain Ónix et lui est dédiée.
- Michel Gonneville / Janvier 2009
Textes originaux
Relais Papillons
Pour 5 musiciens (2008)
Comparée à d’autres migrations observées dans le règne animal, celle des papillons monarques entre le Canada et le Mexique est particulièrement fascinante. Que des êtres si fragiles, si petits réussissent à accomplir un si long voyage, depuis nos contrées nordiques jusque dans les hautes montagnes du Michoacan pour y hiverner, c’est déjà un motif d’étonnement. Mais ce qui est vraiment mystérieux, c’est que les individus qui migrent vers le Sud ne sont pas ceux-là qui ont accompli le voyage vers le Nord. En fait, au moins trois générations de papillons se seront succédé depuis la sortie de l’hibernation en février au Mexique, montant graduellement vers le Canada, jusqu’aux papillons de la quatrième génération qui, eux, quitteront le Nord vers la fin août. Cette dernière génération vit beaucoup plus que les quelque 4 à 6 semaines des précédentes, assez pour accomplir la migration de plusieurs milliers de kilomètres, hiverner et enfin engendrer la première génération du cycle annuel suivant.
(On lira avec intérêt les détails de cette aventure sur les sites suivants : www.monarchlab.org ou www2.ville.montreal.qc.ca/insectarium/toile/nouveau/preview.php?section=fiches&page=19)
C’est ce méga-phénomène qui a inspiré Relais Papillons. La forme de la pièce est une reproduction, comprimée à l’échelle d’une dizaine de minutes, d’un cycle annuel complet qui comporte la succession de quatre générations de papillons. Chacune de ces générations est représentée par un couple d’individus, lui-même « représenté » par un couple d’instruments (un instrument à vent et un instrument à cordes à chaque fois, le piano accompagnant ceux-ci). On aura donc successivement : 1ère génération : clarinette et violoncelle; 2e génération : flûte et violon; 3e génération : clarinette et violoncelle; 4e génération : piccolo (et flûte) et violon.
Chaque génération reprend une succession de caractères thématiques qui peuvent suggérer (toujours de façon extrêmement comprimée dans le temps) les stades successifs de l’insecte : œuf, chenille, chrysalide, papillon, ce dernier s’accouplant et puis, la femelle survivant au mâle, laissant les centaines d’œufs qui deviendront la génération suivante. Dans la vie de la quatrième génération s’interpole, avant l’accouplement, la ponte et la mort, la longue parenthèse de la migration et de l’hibernation. Le tempo s’accélère d’une génération à l’autre, comme stimulé par la hausse graduelle des températures.
Relais Papillons doit beaucoup à l’Étude opus 25 # 9 de Chopin, dite « étude papillon » dans plusieurs langues. Au-delà du caractère évocateur de son écriture, c’est la forme même de cette brève étude qui m’a frappé, semblant se mouler au cycle vital d’une génération de papillons. Une grande partie du matériau de ma pièce a été élaborée à partir de ce donné. Si la migration des papillons monarque et le phénomène de relais qui la caractérise peuvent être vus comme une métaphore de la transmission et de l’échange culturels entre communautés américaines, l’idée me plaît assez que ces dernières se transmettent ici un donné « génétique » d’origine européenne mais fortement altéré par des siècles d’adaptation aux réalités géographiques et historiques du continent.
L’œuvre a été composée pour le groupe Ónix et lui est dédiée. Elle a été écrite entre octobre et décembre 2008 pour figurer au programme du concert donné conjointement en février 2009 par cet ensemble et l’Ensemble contemporain de Montréal (ECM+) dans le cadre de l’événement Pont de papillons organisé par l’ECM+ et le Conservatoire de musique de Montréal. Financée grâce à une subvention du Conseil des Arts du Canada, il s’agit d’une commande du Festival Montréal Nouvelles Musiques (MNM) pour son édition 2009 qui inclut l’événement précité.
Michel Gonneville
24 décembre 2008