Si le temps [ . . . ] , l'espace . . .
Notes de programme
Si le temps ne peut être connu que par un être dont le cœur bat et qui porte en lui sa mémoire,
l'espace ne se découvre vraiment qu'à la fatigue du pas qui voit l'horizon sans cesse reculer »
- Maurice Merleau-Ponty
Comme son titre l'indique, Si le temps [...], l'espace s'inspire de la citation de Merleau-Ponty, mais plus particulièrement dans son aspect charnel, voir régressif ; un certain retour aux sources.
Au niveau de sa forme, la pièce est conçue en 4 parties tressées qui évolues par injection d'éléments passés et futurs à caractères différents ; d'abord intrépide, ensuite errant, puis rigoureux et finalement épars. Les parties sont elles-mêmes constituées de sections et de sous-sections proposant un dialogue multiple qui s'articule sur différentes échelles temporelles, parfois compressées et d'autre dilatées. Le matériau musical évolue donc dans un temps élastique favorisant la notion de phrasé, allant du simple au complexe, mais toujours avec une certaine forme de synergie. Outre son aspect temporel, le matériau s'organise principalement autour d'une monodie qui est fragmentée dans l'ensemble instrumentale soit la flute, la clarinette, le vibraphone, le piano, le violon et le violoncelle. Faisant abstraction du facteur harmonique, au sens classique du terme, cette approche permet de concentrer l'écoute sur le mélange des timbres et leurs subtilités ; une sorte de klangfarbenmelodie revisitée. Directement lié au temps, la notion d'espace s'exprime de différente manière au fil du morceau. Par exemple, l'effacement de l'espace harmonique sert à libérer l'espace timbral, mais aussi l'espace physique. S'appuyant sur la disposition scénique des musiciens, la monodie est donc aussi fragmentée de façon à créer des trajectoires au sein de l'ensemble en utilisant différentes configurations ; du soliste au groupe, en passant par plusieurs sous-groupes.
La partie électronique se fonde sur les mêmes concepts, mais sert principalement à amplifier la réalité acoustique des instruments, autant du point de vu timbral que temporel et spatial. N'étant pas complètement écarté, le facteur harmonique s'exprime finalement à travers une multitude de sons de synthèse provenant d'analyses spectrales. Ces sonorités électroniques viennent ici colorer les résonnances acoustiques en proposant une sorte d'écoute microscopique des timbres instrumentaux ; comme un zoom-in sur l'harmonie intérieur des sons. Évidemment, cette partie est aussi spatialisée, mais cette fois sur trois dimensions simultanés ou alternées ; gauche/droite, avant/arrière, bas/haut. Dans ce cas, les trajectoires décrites sont de différentes natures, soit statique ou dynamique, et forment parfois des zigzags, des spirales ou simplement des séquences aléatoires. Les autres traitements, viennent quant à eux modifier la temporalité de certains évènements musicaux par l'utilisation de réverbération artificielle, de lignes de délais et de synthèse granulaire ; un peu comme des coups des pinceau. Finalement, un instrument virtuel s'ajoute à la partie électronique pour complexifier les rapports avec l'ensemble instrumentale ; à la manière d'un septième passager.
-Frédéric LeBel