Tumulus/Cumulus
Notes de programme
Cette pièce est un hommage au danseur et chorégraphe afro-américain Bill T. Jones (né en 1952). Lorsque je pense à son travail, les mots d’Ushio Amagatsu selon lesquels la danse est un « dialogue avec la gravité » me viennent souvent à l’esprit. Le choix du titre Tumulus-Cumulus s’inscrit dans ce mélange d’ancrage au sol et de flottement aérien. En effet, un tumulus est un amas de pierre ou de terre posé sur une sépulture. On trouve des traces de ce rite funéraire millénaire dans de nombreuses cultures différentes. Le « cumulus », quant à lui, est un type de nuages particulièrement cotonneux et plastiques qui, selon les conditions météorologiques, peuvent se transformer différemment. Le trait d’union entre les deux mots a aussi son importance, car j’ai cherché à traiter ces deux dimensions (proches, musicalement, des termes pesante et leggiero) simultanément, selon divers amalgames, plutôt qu’en opposition ou en alternance.
Ainsi, dans la première section, je me suis intéressé à la gravité comme attraction des corps : les six instruments, d’abord isolés, s’y associent selon des dizaines de combinaisons différentes, changeant à chaque mesure et évoluant peu à peu du solo au sextuor. Plusieurs textures traversent cette section qui tend – mais sans l’atteindre complètement – vers la verticalisation harmonique. Suit une marche obstinée durant laquelle les six instruments cherchent à élargir peu à peu leur ambitus collectif, à travers une quête laborieuse de pulsation commune et durable qui, là encore, ne réussit jamais tout à fait à s’établir fermement. Dans la troisième section, des brèches de verticalisation et de synchronisation sont finalement atteintes dans un choral à l’équilibre fragile, où l’énergie des six instruments s’approche parfois de la fusion. Cette « politique des corps en mouvements » se termine par une quasi apesanteur, mais toujours avec une pulsation partagée (stable, cette fois) : dans un paysage sonore bruité, le violoncelle flotte paradoxalement au-dessus du piccolo, qui lui sert d’appui quasi métronomique. J’ai imaginé ce « pas de deux » comme une allusion à Arnie Zane (1948-1988), partenaire bien plus petit qui, pourtant, était celui qui portait sur scène le massif Bill T. Jones. À travers toutes ces sections, la pièce déploie, mélange ou distille harmoniquement trois fondamentales : si, sol# et ré#.
Tumulus-Cumulus (pour Bill T. Jones) a été composée à Montréal, au cours du printemps et de l’été 2021. L’œuvre est une commande l’ensemble Paramirabo avec le soutien du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ), et a reçu l’aide à l’écriture de l’OARA – Office Artistique de la Région Nouvelle-Aquitaine ainsi que l’Aide à la commande de la SACEM.
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Pour 6 musiciens (Paramirabo)
flûte : Jeffery Stonehouse
clarinette : Victor Alibert
percussion : David Therrien-Brongo
piano : Daniel Áñez
violon : Hubert Brizard
violoncelle : Viviana Gosselin