Voix jetées
Notes de programme
Voix jetées : Musique de Keiko Devaux sur textes de Michaël Trahan.
3e mouvement du nouvel opéra L'écoute du perdu. (Lien URL à venir).
Cette œuvre a été conçue à l'origine comme le troisième mouvement de mon opéra de chambre "L'Écoute du Perdu". Les différents mouvements de cet opéra agissent comme des mémoires épisodiques basées sur les souvenirs de différents individus en relation avec une personne ou un lieu. Cette œuvre est intitulée d'après le texte commandé pour le mouvement, Voix Jetées, de Michaël Trahan. Le texte a été commandé dans le but d'évoquer le souvenir d'un son ou d'une musique inspirés par une personne. Voix jetées est structuré comme une aria, qui est d'abord présentée de manière minimale et qui se dévoile progressivement tout au long de la pièce. L'entrée dans la pièce commence par une palette de bruits blancs, qui s'accordent par intermittence avec de brefs chuchotements de mélodies, comme une radio qui capte brièvement un signal momentané. La transition se fait vers l'introduction formelle de l’aria, présentée comme une basso continuo minimale et patiente, stratifiée et dispersée au sein de l'ensemble. La voix fait son entrée avec la pulsation harmonique du piano et du violoncelle qui se construit lentement. Au fur et à mesure que l'œuvre se développe, l'ensemble commence à s'activer davantage et à s'épanouir entre les phrases de la voix. La voix s'enrichit d'ornementations et de suspensions dans le temps harmonique, tandis que l'ensemble commence à s'enchevêtrer et à tisser entre les phrases de la voix, jouant à la fois le rôle d'écho et de contrepoint. Lorsque la voix disparaît, la pièce s'achève comme elle avait commencé. Le bruit blanc refait surface et commence à envelopper la mélodie et l'harmonie jusqu'à ce que l'aria disparaisse complètement dans le static.
« Je jette ma voix par la fenêtre. » (Nathanaël, Je Nathanaël, 2003)
ce n’est pas le vent qui se lève non
l’amour comme le ciel comme la voix
ne s’invente pas il naît au creux de la main
il s’attend au coin d’une rue ou sur le banc
d’un parc parfois il descend du train
comme s’il n’était jamais parti il revient
on ne sait d’où il repart on ne sait rien
on pense au cœur qui a dû battre
quelque part sous la peau sous la terre
on pense à la peau qui est un fruit
un lac un chemin très lisse on pense
à la neige qui fond comme l’amour
on pense au corps qui décide de tout
on pense on ouvre la main le souvenir
s’écoule comme de l’huile brûlante laisse
peut-être quelques marques sur la chair
mais rien d’autre au fond que la mémoire
de ce qu’on a perdu c’est le blanc de l’œil
qui gagne l’os le sature c’est une histoire
de plus en plus sentimentale un échec
qui part des lèvres et qui rature ligne
à ligne le visage la fenêtre le froid
entre je l’invite je l’appelle je l’aime
comme une étreinte qui fait mal
une injure voici la voix humaine
des morts voici ce que j’entends
quand je traverse la rue voici
ce qui revient quand je ferme
les yeux la voix n’est pas un fil je
le sais la découpe avec les doigts
elle est une tentation un miracle
d’abandon une scène effacée
qui revient gorgée d’encre
ou de sang bleu c’est une clef
qui n’ouvre aucune porte mais
qu’on n’ose pas jeter ni garder
un rêve qui s’ouvre chaque nuit
comme si c’était la première fois
voici une vie voici deux vies voici
trois figures tracées dans le sable
voici le vent qui se lève voici
la chose qui brûle
dans la voix