Le titre ''... Le sifflement des vents porteurs d'amour... '' est une citation du Cantique spirituel XIV de Saint Jean de la Croix. Ce vers engendre par l'idée même de vent, physique et spirituel, ainsi que par sa forme et le courant qui le traverse, la '' formation '' de la musique, partagée ici entre deux solistes.
Bien qu'elle soit divisible en plusieurs séquences, la musique comme le vers est d'un seul tenant, orienté par deux pôles qui forment en même temps étapes. Premièrement : gels, pureté éclatante du silence, souffle, franges d'existence - naissance d'une mélodie par oscillation de hauteur et d'espace ; deuxièmement : chaleur qui fond et fertilise dans des possibilités multipliées et sans fin - greffes par jeux, interactions, développements, où la force centrifuge de la mélodie semble lancer hors d'elle-même les événements ou au contraire, par retournement, les concentrer, tout recueillir dans la ténuité d'une flûte (''... porteurs de l'amour... '').
Il faut également mettre en regard du vers de Jean de la Croix, parce qu'elles lui sont parallèles, deux présences importantes : l'hiver (moment de la composition) et l'idée fascinante du premier moment de la Résurrection (si bien évoqué par le Resurrexi et l'Alleluia de la messe de Pâques en plain-chant).
Les séances d'expérimentation à la flûte furent extrêmement utiles et stimulantes, surtout en ce qui concerne l'investigation des '' whistles tones '' ou harmoniques d'embouchures.
L'oeuvre est dédiée à ma mère, ainsi qu'aux interprètes qui l'ont créée, Robert Cram, flûtiste et Ian Bernard, percussionniste.
Gilles Tremblay
STRUCTURE:
INTRODUCTION (tape solo)
I. INTERIOR I
Violin Solo
Violin + Percussion Duo
II. CHAMBER MUSIC I
III. EXTERIOR I - FAR
Herd of horses
IV. CHAMBER MUSIC II
V. INTERIOR II
VI. EXTERIOR II - UNDERWATER
VII. INTERIOR III
VIII. CHAMBER MUSIC III
Alone and unalone (Seul et pas seul) examine la relation entre les expériences individuelles et collectives. Lorsqu’on écoute la musique ensemble, comme dans un concert, on partage une réalité commune, mais simultanément on a des expériences individuelles et impartageables dans nos propres têtes. La pièce amplifie cette condition en diffusant le son au moyen des écouteurs pour le public: chaque auditeur entend un son dirigé spécialement vers ses propres oreilles, tout en entendant des sons acoustique et électroacoustique dans l'espace commun aux autres auditeurs. Affrontement du «problème des autres esprits» en philosophie, l’affect de la pièce cherche à osciller entre le solipsisme et le genre de construction de l’empathie qui se produit par l’art.
La pièce traverse différentes pratiques de performance, s’inspirant des ASMRtists (réalisateurs des vidéos de relaxation en ligne de «ASMR», une sous-culture consacrée à la génération de sensations de picotements), du théâtre expérimental, de la musique baroque (en particulier de matériel tiré de la Suite pour clavier en ré mineur de Haendel) et de sons environnementaux immersifs.
Alone and unalone a été commandé par l’Ensemble Paramirabo avec le soutien du Conseil des arts du Canada.
Opéra bruité de Gabriel Dharmoo
Textes : Françoise Major
1. Tout le monde
2. Un monstre sous le lit
3. Des gueules
4. Meilleure
5. Punition
6. Une Kali mais blonde
7. Magma
8. Le bon gars
9. Au fond de moi
10. Faire pleurer Fannie
11. Trio bruité
12. J’ai honte
13. L’art du crime
14. Personne
CE MONSTRE EN NOUS - Des monstres fabuleux de l’enfance aux petites perversions et cruautés qui nous habitent, où s’arrête l’humain et où commence le monstre ? Existe-t-il seulement une telle limite ?
Notre collaboration est née de notre amitié, doublée d’un désir de se poser des questions ensemble. Comment, dans l’écriture, laisser plus de place au corps et comment, dans le chant, laisser plus de place au texte ? C’est en cessant d’opposer langage et instinct, humain et animal, quotidien et fantastique que nous en sommes venus à travailler sur le monstre en tant que figure protéiforme, mouvante, et essentiellement humaine.
Très tôt dans le processus de création est apparue l’envie de solliciter la participation des solistes et des membres de l’Ensemble Paramirabo. Nous leur avons demandé de livrer un « monstre » personnel à Françoise, de révéler un aspect de soi qui les répugnait, dont ils et elles n’étaient pas fiers — une expérience qui revêtait le caractère anonyme d’une bouteille lancée à la mer, puisque Françoise habite à plusieurs milliers de kilomètres et n’avait jamais rencontré les interprètes. Leurs confessions sont devenues un matériau de base, des ressentis et des mots avec lesquels broder. Parfois grossis, parfois restés très près des confessions originales, ces monstres de l’intime ont ensuite été redistribués entre les musicien·ne·s par Gabriel — il ignorait, comme chacun·e ignore toujours, qui avait divulgué quoi.
La mise en musique des textes et la dramaturgie du spectacle ont été deux étapes indissociables. Inspiré par la présence scénique, la créativité et la virtuosité de ses interprètes, Gabriel a à son tour voulu les inspirer à aller au-delà d’eux et d’elles-mêmes dans une mise en scène exigeante, mettant à nu : une démarche à cheval entre la partition détaillée et l’improvisation qui implique non seulement l’apport créatif des solistes et des musicien·ne·s, mais leur engagement total. Si nous avons créé un monstre, c’est grâce à eux et à elles qu’il prend vie, et c’est grâce à nos conceptrices Nancy, Karine et Solène qu’il a une forme si grotesquement irrésistible ce soir !
Sur scène, il y a neuf corps. La voix résonne, au-dedans et au-dehors. Elle se faufile d’une bouche à l’autre, laisse s’exprimer, de plein gré ou malgré soi, la bête qui sommeille, la bête qui s’éveille. Chante. Crie. Marmonne. Roucoule. Régurgite. Ravale. La créature à laquelle les interprètes donnent voix est parfois égoïste, parfois humiliée, ridicule, drôle ou violente ; elle est toujours familière dans la douleur qu’elle éveille.
D’un ventre à l’autre, le monstre n’est pas si différent. D’un ventre à l’autre, il se tapit, se tait, attend. Mais pas ici. Ici, le monstre gronde.
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CRÉDITS
Musique: Gabriel Dharmoo
Textes: Françoise Major
Direction artistique : Jeffrey Stonehouse, Ensemble Paramirabo
Interprètes: Ensemble Paramirabo
Scénographie: Karine Galarneau
Mise en espace: Solène Paré
Sonorisation: Jean-François Blouin
Conseillère artistique: Lorraine Vaillancourt
Maquillage: Christos Darlasis
Trio puisqu’il y a trois exécutants, jubilus parce que ce mot a la même racine que joie. En chant grégorien, ce mot désigne la grande vocalise ornementale sur une seule syllabe. Le début de l’Alléluia de la nativité étant cité en exergue, l’œuvre en devient ainsi le jubilus. Écrit essentiellement pour fêter une naissance, celle de Raphaël qui en est le dédicataire. En voici les points saillants.
Gilles Tremblay [x-09]
AMONG AM A concerne différents modes d'écoute au cours de l’expérience d’assister à un concert, et tente de créer un environnement dans lequel une écoute musicale et une écoute environnementale sont brouillées: les sons quotidiens sont musicalisés et les gestes musicaux sont rendus concrets. L'œuvre fournit ainsi un moyen de réexaminer les conditions de performance qui créent des distinctions entre des actes, des espaces et des sons musicaux et non-musicaux. Au cours du travail, la désignation de l’espace et du son musical est déconstruite.
Certaines éléments de l’œuvre sont tirés de «Better Git It In Your Soul», le premier titre de l’album Mingus Ah Um, de Charles Mingus. Mingus a souvent inclus des vocalisations et d'autres sons «extra-musicaux» dans ses enregistrements de studio - dans «Better Git It In Your Soul», la fonction de l'une de ces vocalisations est floue: le cri de «OH YEAH» lors du refrain se musicalisant par sa répétition et sa transformation vers le timbre d’un cri de saxophone.
AMONG AM A concerne également les qualités affectives du son, notamment en tant que fonctions sociales dans des contextes collectifs ou individuels. Les sons de réjouissance sont souvent acoustiquement similaires aux sons de terreur. Remédier à cette ambiguïté dans la pièce est un moyen de répondre à ma propre anxiété dans les foules et à l'expérience d'être un parmi d'autres.
AMONG AM A a été commandée par Ensemble Paramirabo avec le soutien du Conseil des arts et des lettres du Québec et du Conseil des arts du Canada.
L'œuvre était finaliste pour le Prix Gaudeamus et le Prix collégien de musique contemporaine en 2016 et a remportée le Prix Salvatore Martirano 2016.
Scena prima : Carcerati d’invenzione
Lazzo del minimalista
Scena seconda : Colonna infinita
Scena terza : Libro dei mutamenti (I Ching)
Scena quarta : Mystico-elastico
Scena quinta : Vertigo temporis
Lazzo (mashup) del terrorista (ou Lazzo della danza sotto la pioggia)
Scena sesta : Cataclisma naturale
Scena settima : Lonely Pierrot
La Commedia dell’arte est un genre théâtral apparu au 16e siècle et qui se voulait une sorte de satire des mœurs sociales de l’époque. À travers des personnages tels que Pantalon, le Docteur, Arlequin, Colombine ou Polichinelle, un ensemble d’archétypes sociaux (aristocrates, serviteurs, etc.) est mis en scène par le biais de quelque intrigue faite de trahison, de convoitise, de conspiration et autres droits et travers de notre humanité trop humaine... Chaque histoire est ainsi définie sous forme de canevas à partir duquel les comédiens improvisent le spectacle. Les scènes faisant avancer l’histoire sont aussi entrecoupée de lazzi, soit des numéros plus ou moins acrobatiques préparés à l’avance. Dans tout cela, rire, goinfrerie, grivoiserie et raillerie donnent le ton, et au dessus de toute cette pagaille grinçante planent les innamorati (les « amoureux »), qui parlent entre eux la langue de l’amour, affichant une sensibilité et un raffinement qui semblent d’un autre monde (peut-être cela leur confère-t-il un aspect d’éternité en parfait contraste avec les autres personnages...).
Dans Commedia della musica, je me suis demandé quels archétypes musicaux pourraient me permettre de dresser un portrait de notre monde aujourd’hui. Je me suis donc pris au jeu de convoquer des personnalités musicales qui, par le biais d’allusions, de citations ou d’emprunts techniques. me semblaient pouvoir traduire un aspect de notre réalité : qui pourrait bien venir nous parler d’infobésité, de cyber-attaque, de multiplicité, de sacré, de mobilité mondialisée, de bouleversement climatique, de terrorisme, et bien entendu... d’amour... Sans donner toutes les clés des associations que j’ai faites (bien librement et non sans humour!), voici les titres de chaque section (ou « scènes ») de la pièce : Carcerati d’invenzione ; Lazzo del minimalista ; Colonna infinita ; Libro dei mutamenti (I Ching) ; Mystico- elastico ; Vertigo temporis ; Lazzo (mashup) del terrorista ; Cataclisma naturale ; Lonely Pierrot...
Un dernier avertissement : toute ressemblance avec des personnages (musicaux) connus n’est pas fortuite !
Cette pièce a été réalisée grâce au généreux soutien du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ)
Dans cette pièce, j’ai utilisé une séquence de huit accords qui se répète plusieurs fois, chaque fois de manière différente, rappelant ainsi la forme de la chaconne. Au milieu de la pièce, on retrouve une cadenza à la clarinette et au violon. Le matériau utilisé dans cette pièce est inspiré du folklore des Balkans. Ciaccona est dédié à mes parents.
- Ana Sokolović
Premier mouvement, Fast
Second mouvement, Slow
Troisième mouvement, Fast
« … Il y a en tout deux sextuors identiques. Chacun est composé d’une flûte, une clarinette, un vibraphone, un piano, un violon et un violoncelle. Doubler l’instrumentation a été fait pour que, comme dans beaucoup de mes travaux antérieurs, deux instruments identiques puissent s’emboîter parfaitement afin de produire un motif global. Par exemple, dans cette œuvre, vous entendrez les pianos et les vibraphones s’imbriquer de manière très rythmée afin de mener le reste de l’ensemble.
Cette œuvre peut être jouée de deux manières : soit avec 12 musiciens, soit en ayant six musiciens jouant contre un enregistrement d’eux-mêmes.
L’idée d’un musicien qui joue contre un enregistrement de lui-même est apparue avec l’œuvre Violin Phase (1967) et se prolonge à travers Vermont Counterpoint (1982), New York Conterpoint (1985), Electric Counterpoint (1987) et Cello Counterpoint (2003). L’expansion de cette idée à un orchestre de chambre jouant contre des enregistrements d’eux-mêmes commence avec Different Trains (1988), se poursuit avec Triple Quartet (1999) et maintenant avec Double Sextet. En doublant tout un ensemble de chambre, l’on crée la possibilité de plusieurs bandes contrapuntiques simultanées avec des instruments identiques. Dans Different Trains et Triple Quartet, tous les instruments sont des cordes, afin de produire l’effet d’une large toile de corde. Dans Double Sextet, il y a davantage de variétés de timbres grâce à l’emboîtement des six paires différentes d’instruments de percussions, à cordes et à vent.
La pièce est en trois mouvements : rapide, lent, rapide. À l’intérieur de chaque mouvement, quatre sections harmoniques sont construites autour des clés de D, F, Ab et B ou leurs relatives mineures : b, d, f et g#. Comme dans presque toute ma musique, les modulations d'une tonalité à une autre sont soudaines, définissant clairement les changements d’une section à une autre.
Double Sextet dure environ 22 minutes et a été achevée en Octobre 2007. Elle a été commandée par Eighth Blackbird et présentée par cet ensemble en première à l'Université de Richmond, en Virginie, le 26 Mars 2008. La première newyorkaise eut lieu au Carnegie Zankel Hall le 17 Avril 2008. »
- Steve Reich